Je n’en crois pas mes yeux !

Il y a quelques semaines j’assistais à un spectacle de désolation dans la brasserie ne sachant trop, si ce coup porté, allait définitivement ou pas achever mon courage à continuer cette aventure brassicole. Aujourd’hui, j’ai devant mes yeux écarquillés cet objet auquel je rêvait depuis si longtemps… le coeur battant, je devais me convaincre qu’il était bel et bien à ma portée !

Quelques jours plus tôt, Michel, un de mes clients, les pieds dans une brasserie encore dévastée par une inondation, me disait qu’il était propriétaire d’un tank à lait et que si cela m’intéressait, il me l’offrait. C’était irréel !

Combien de fois n’ai-je rêvé d’une telle opportunité … un tank a lait est une cuve de taille variable en acier inoxydable de la meilleure qualité car destinée à l’industrie alimentaire. Sa fonction initiale est de stocker, en le refroidissant, le lait fraichement trait par le paysan, en attendant le passage du camion collecteur de lait. Je rêvais d’une telle cuve car, une fois légèrement transformée, elle peut devenir une cuve d’empâtage/cuisson fantastique. Mais voila, je n’avais pas le moindre argent à mettre là-dedans et … il y avait … la porte de la brasserie !

Oui, la porte de la brasserie n’est pas aux norme industrielles, c’est la porte de l’ancienne buanderie de notre maison, buanderie que j’ai transformée en cuisine industrielle. Mais une porte de ce type fait exactement 82 cm de large, au delà de cette dimension, tout élément qui doit la traverser nécessite d’abattre le mur autour d’elle.

L’étape suivante, après une nuit sans sommeil, anéanti par mon excitation, consistait à me rendre dans la vieille ferme de Michel et d’y mesurer le fameux tank à lait, allait-il passer ma porte ?

Rendu sur place, le cœur battant, je vis enfin ce fameux tank à lait.

Bien que couvert de poussière, j’y vis immédiatement une pure merveille et qui plus est, double-mètre à la main, les yeux incrédules, il allait passer notre fameuse porte, sans devoir abattre le mur… Je me souviendrai probablement toute ma vie de cet instant, le soleil brillait et après des semaines d’une intense remise en question suite à notre inondation doublée de profonds soucis financiers, je voyais le ciel s’ouvrir et un rayon d’espoir envahir mon cœur.

Comme il se doit, couplé au tank à lait il y avait un magnifique groupe générateur de froid (un compresseur/détendeur, comme dans un frigo, mais plus puissant). Michel me l’offrait également, j’étais simplement aux anges ! Cependant un tel appareil ne se déconnecte par comme cela, il n’y a pas d’alternative, vous devez faire appel à un professionnel, car le gaz utilisé dans le circuit de refroidissement doit être soigneusement récupéré et réinjecté dans le nouveau circuit.

C’est donc avec un peu d’appréhension que je contact un entrepreneur du domaine dans notre région et lui explique mon problème : je souhaite récupérer un groupe-froid connecté sur un vieux tank à lait et le rebrancher, au travers d’un bidouillage de mon cru, sur un fermenteur d’une brasserie… ah, oui et en fait je suis fauché comme les blés, pourriez-vous me faire cela contre une caisse de bières artisanales ? (authentique…)

Croyez-moi ou non, c’est votre problème, mais Jean-Charles accepte… Au total il va consacrer plus de huit heures pour effectuer ce travail et va même me remplacer le compresseur du groupe froid qui était mort… je n’ai jamais reçu de factures de sa part, il s’est contenté de ma caisse de bières. Je sais combien elles sont bonnes, mais honnêtement, il y a encore de bonnes personnes, ça fait tellement chaud au cœur !

Aussi, après avoir récupéré le gaz, et démonté ce qui était possible, je charge tout ceci dans ma monstrueuse Subaru Justy et Bernard, un autre ange, me transporte la cuve avec sa remorque.

La cuve passe la porte sans le moindre soucis.

Je la nettoie, refais quelques peintures et réparations, et la voila installée quelques jours plus tard dans une brasserie pourvue maintenant d’un magnifique fond tout neuf. On a peine à imaginer que cet endroit était sous la boue quelques semaines auparavant.

Finalement, après avoir développé un système de chauffe spécialement pour cette nouvelle cuve, le 26 novembre suivant, je peux y brasser ma prochaine bière.

Que du bonheur, j’ai retrouvé espoir, on va passer le cap !

La brasserie a maintenant une capacité de brassage de 300 litres pour une capacité de fermentation de 200 litres.

Il y a quelque chose qui va devoir augmenter quand les finances le permettront …